Un peu d’histoire Le lycée Camille Jullian, et l’historien éponyme

par Webmestre

HISTORIQUE DU LYCEE

Créé en 1883, alors un lycée de jeunes filles de Bordeaux, il portait le nom du lycée Barada. Puis il devient :

  • Lycée Mondenard (1901)
  • Lycée Camille Jullian (1955)

Adresses successives :

  • rue David-Johnston (1883)
  • rue Mondenard (1901)
  • 29, rue de la Croix Blanche (adresse actuelle)

Pendant près de quatre-vingts ans, l’actuel lycée Camille Jullian est demeuré l’unique lycée de jeunes filles de Bordeaux. Dans une étude publiée en 1983 à l’occasion du centenaire de l’établissement, Marie-Claude Mahaut raconte comment il est passé « d’un minuscule couvent laïque pour jeunes bourgeoises, voisin du très snob pavé des chartrons, à l’énorme lycée polyvalent mixte actuel ». Avant l’abandon de l’annexe de la rue Théodore Gardère en 1961, devenue ensuite l’annexe du lycée Magendie, puis du collège Alain Fournier et désaffectée depuis la fin des années 1990, et le regroupement des classes du premier cycle en un collège en 1966, devenu depuis le collège Cassignol, le lycée compta jusqu’à 3000 élèves.

Dès 1867, des cours secondaires Victor Duruy sont dispensés à l’académie Impériale de Bordeaux. Mais c’est en 1881, un an après la promulgation de la loi Camille Sée sur l’enseignement secondaire féminin, qu’est prise la décision de fonder un vrai lycée de jeunes filles. Anticlérical notoire, le maire Alfred Brandeburg espère ainsi soustraire les bordelaises à l’influence du clergé. Les locaux ne sont pas faciles à trouver, et ce n’est qu’en 1883 que la Ville réussit à récupérer, rue David Johnston, l’ancien couvent des Dames de Marie-Thérèse.

ancienne pension St-Pierre

Ouvert avec 136 élèves, pour lesquelles un service d’omnibus a été organisé, le lycée de jeunes filles est connu à l’époque sous le nom de lycée Barada ou Matignon, en référence aux rues qui le bordent. Il vit tant bien que mal jusqu’au début du XXème siècle, en dépit de la présence de professeurs chevronnés.
La Directrice Gabrielle Rodier doit affronter la concurrence de l’importante école supérieure et professionnelle de la rue de Cheverus, qu’elle a dirigée jusqu’en 1883.

le pavillon

En 1901, le lycée quitte la rue David Johnston pour la rue Mondenard. La Ville vient d’y acquérir l’ancienne pension Saint-Pierre (l’actuel bâtiment Mondenard) et, de l’autre côté du pâté de maisons, le petit pavillon qui appartenait au négociant Jules Petit-Laroche.

En 1908, on y ajoute l’ancien pensionnat des Dames de la Réunion au Sacré-Cœur, permettant au lycée d’ouvrir un internat.

Dès 1914 , les bâtiments se révèlent insuffisants pour les 600 élèves. On patientera néanmoins jusqu’aux années 30 avant d’entreprendre de nouveaux agrandissements qui se poursuivront – parfois au détriment du parc – jusque après la seconde guerre mondiale, vers 1960.

L’établissement, encore féminin pour quelques années, est baptisé Camille Jullian en 1955. L’auteur de l’Histoire de Bordeaux avait d’ailleurs donné quelques cours au lycée, dans les classes préparatoires à l’Ecole Normale Supérieure de Sèvres.

La création de deux nouveaux lycées sur son aire de recrutement, Condorcet en 1988 et Sud-Médoc en 1992 redonnent à l’établissement une taille humaine et la possibilité de restructurer ses locaux. Après dix années de travaux portant sur l’ensemble des bâtiments existants et la création d’un internat CPGE , le lycée peut accueillir dans d’excellentes conditions 1500 élèves.

CAMILLE JULLIAN (Marseille 1859- Paris 1933)

En 1938, la ville de BORDEAUX éleva à Camille JULLIAN, sur la place qui porte son nom, un petit monument fait de vestiges gallo-romains . Ce n’était pas assez pour honorer le grand historien de BORDEAUX et de l’antiquité. Depuis 1955, notre lycée s’appelle officiellement Camille JULLIAN.

Un élève et un universitaire brillant

Camille JULLIAN est né d’une famille protestante du GARD. Il fut un élève brillant – et souvent sage - du lycée de MARSEILLE, puis celui de l’École Normale Supérieure, de l’École française de ROME et de l’Université de BERLIN.

Docteur ès lettres, il devient professeur à l’université de BORDEAUX en 1883, l’année même où le lycée de jeunes filles (établissement actuel) est fondé.

En 1905, il est nommé au Collège de France. Il devait le rester vingt cinq ans et terminer sa carrière comme membre à la fois de l’Académie des inscriptions et Belles Lettres et de l’Académie Française. Petit, timide, il avait la voix faible et les yeux très myopes, mais il savait pourtant captiver ses auditoires. Toute sa vie, il mena un labeur écrasant et exemplaire.
Un Bordelais d’adoption et le plus grand historien de BORDEAUX. C’est par hasard que ce Marseillais vint à BORDEAUX. Mais il se prit d’affection pour cette ville ; il y fit sa carrière et sa vie. Il s’y maria et voulut y être enterré non loin du lycée sur le « Mont JUDAÏQUE », au cimetière protestant ce « jardin mélancolique ». La municipalité de BORDEAUX le chargea d’un cours d’histoire de la ville et du sud-ouest.

Aussi Camille JULLIAN publia-t-il « Les inscriptions gallo-romaines de BORDEAUX » (1886) et en 1895 « L’histoire de BORDEAUX », premier grand ouvrage scientifique et synthétique sur notre ville.

Un historien libéral, national et moral

Esprit littéraire, grand écrivain, Camille JULLIAN, s’il n’appliqua pas les mathématiques à l’histoire, fut cependant un historien libre d’esprit, honnête et rigoureux. Marqué comme toute sa génération par la défaite française de 1870, chargé de préparer le traité de Versailles en 1919, lui qui, par l’ironie des choses, mourut l’année de l’avènement d’HITLER en Allemagne, se voulut toujours au service de la nation et de la patrie. La petite patrie : BORDEAUX ; la grande de jadis, la Gaule. C’est pour mieux combattre les Allemands qu’il alla étudier auprès du savant MOMMSEN (Maître qu’il ne renia jamais), la science des inscriptions.

C’est lui qui, pratiquement, révéla scientifiquement à la France Vercingétorix, le héros national (1901). Il a fondé l’histoire de la Gaule (8 volumes, 20 ans d’étude), contribué à faire de l’université de BORDEAUX un centre historique brillant. Marqué par le Protestantisme, il a toujours considéré que l’histoire était « morale », qu’elle était « l’obéissance de la vérité ».

« Au service de l’histoire » toute sa vie, il publia sous ce titre son dernier travail, les leçons d’ouverture qu’il prononça au Collège de France de 1905 à 1930 ; extrayons les quelques lignes suivantes (presque son testament) de la leçon du 3 décembre 1924 sur la valeur de l’histoire : « L’histoire est un métier de vaillance et de dignité… L’histoire enseigne d’abord la reconnaissance… L’histoire, ensuite, enseigne la justice… L’histoire enseigne enfin la loyauté… L’histoire est un apprentissage de devoirs ».